
Ode à mon village natal - Forrières
Dans le soir calme et chaud,
Une paix intense et bienfaisante
Enveloppe mon village assoupi.
La vallée semble ouatée de bonheur.
Un dimanche soir de juillet,
Voici l’heure de l’office ;
L’airain raisonne avec allégresse
Dans l’édifice tout neuf et que j’aime.
Je l’aime surtout parce qu’il contient
Les cloches de mon enfance,
Celles de la vieille église
Meurtrie par la guerre,
Qui a dû s’effacer, non sans regret.
Avec tristesse et reconnaissance,
Je pense à nos ancêtres
Qui dorment non loin du sanctuaire.
Les deux cloches,
Qui alternent leur mi et leur la
Me rappellent tant et tant de choses…
Elles sont aussi les témoins attentifs,
De la vie sans cesse renouvelée
Et qui assure la pérennité du souvenir.
A deux pas de l’église, la Lomme
Roule ses eaux claires et tranquilles
Comme au temps des Celtes et des Romains…
Jadis, les troupeaux nombreux
Venaient s’abreuver chaque jour ;
Les lavandières chantaient des ritournelles,
Au pied du pont des « Battes ».
Souvent, je suis le cours de la rivière,
En méditant sur les époques révolues.
Les jours d’été, je m’en vais aussi
Par les chemins anciens, raboteux,
Ceux de la Chavée, de Rochefort, de Marche,
De Bure, de Neuve-Fontaine, du Ronchy,
Marchant sur le schiste chaud
Que les pluies ont mis à nu.
Replié dans une solitude intérieure,
Je fais un pèlerinage intime
Aux deux Forrières,
Notre-Dame et Saint-Martin,
En pensant à ce qu’ils furent,
En observant ce qu’ils sont toujours.
Je m’arrête devant les vieille croix :
Du « Fond des Vaux », de la Chavée,
Des « P’tits Valets », de la Culée
Et aussi des autres, de-ci de-là
Et prie pour ceux qui ne sont plus.
Je leur garde une pensée fervente,
Recueilli devant nos chapelles :
Celles du Cocher qui domine la vallée,
De Notre-Dame de Lourdes avec sa dévotion,
De Saint-Roch qui rappelle la peste
Et les vicissitudes des siècles passés.
Tant de tribulations et de souffrances
Ont trempé l’âme de nos ancêtres
Qui nous ont donné un bel exemple
De courage, d’abnégation et d’espoir.
Il me semble que tous ces souvenirs,
Si lointains et si proches à la fois,
Donnent à mon village natal
Une dimension sans pareille.
Depuis ma tendre adolescence
Mes regards se sont toujours portés
Vers les collines dominant Forrières :
Les Ramées, Horsay, le Coray,
Chanty, les Cresses, le Falgeay ;
Elles paraissent à mes yeux
Monter une garde inébranlable
Autour de notre bourgade ;
C’est pourquoi, j’ai toujours cru
A sa prospérité, à son avenir.
« Si nos parents revenaient… »
Me disent souvent des amis,
Ils seraient ravis, j’en suis sûr,
De voir Forrières si grand
Et leurs enfants heureux d’y vivre.
Oui, si nos pères revenaient…
S’ils voyaient le chemin de fer
Inauguré il y plus de cent ans,
A du vingt-cinq à l’heure,
Dans l’essoufflement,
Quelle ne serait pas leur surprise !
Ils n’en croiraient pas leurs yeux,
Mais comprendraient sans peine,
Qu’ils n’ont pas travaillé en vain,
Pour nous procurer plus de bonheur.
Ce bonheur qui doit être celui
D’une communauté comme la nôtre,
Où beaucoup d’espoirs sont encore permis ;
D’une communauté qui constitue
Une grande et belle famille,
Où chacun peut et doit contribuer
Au rapprochement des idées et des hommes.


